Les doux rayons du soleil levant filtraient dans la minuscule chambre que Libby s’était prise pour la nuit. Ils se déposaient avec douceur sur son visage enfantin, lui donnant un air lumineux et glissaient sur ses cheveux leur donnant une belle couleur mordoré. L’on pourrait croire à un ange qui sommeille… Ses paupières se soulevèrent avec lenteur pour laisser apparaitre deux yeux sombres, s’ensuivit d’un long soupir. Chaque jour, Libby espérait se réveiller dans sa chambre, entourée de Helena et Ewen qui lui disait à quel point ils l’aimaient. Mais chaque jour, elle se réveillait dans le même décor sinistre et froid. Sans amour, sans chaleur. Une nouvelle plainte et un bruit de drap froissé. Ses yeux triste se posent sur le même spectacle qui lui donne envie de vomir. Le vieux planché grinçant couvert de tâches, les rideaux qui sentent le moisi, des restes de nourriture éparpillés dans tous les coins et les souris qui vont avec. Beurk… Elle-même à certainement dormit dans des couvertures sales, peut-être que personne ne les avaient lavées depuis des mois. Ses petits pieds touchent le tissu de ses chaussettes qu’elle enfile avec facilité avant de les glisser dans le cuir souple de ses bottes.
En un bond, Libby est debout, prête à quitter cet endroit qu’elle déteste. Elle tourne les yeux vers la fenêtre pour tenter d’oublier où elle se trouve. Le paysage du dehors est plus joli à regarder. Les feuilles roussie par l’automne tombent des arbres et virevoltent avant se déposer sur les pavés. Le soleil joue avec ses rayons en les laissant filtrer à travers les quelques arbres qui ornent l’allée pour se poser sur le monde des hommes. La jeune fille fait dos à ça pour se diriger vers la porte et filer en dehors de ce motel miteux.

***

La matinée était passée en un clin d’œil. Libby avait flâné sur le marché pendant une bonne partie du temps, à la recherche de marchands ventripotent à qui elle avait taxé quelques pièces. Maintenant, elle avait assez pour se chercher à manger et pour se trouver un hôtel un peu mieux que celui dans lequel elle avait dormit. Cela faisait bientôt deux ans qu’elle vivait ainsi. Et elle commençait sérieusement à se questionner sur son avenir. Ce n’est pas en volant quelques bourses tous les jours de marché qu’elle allait s’en sortir. Libby avait longtemps caressé l’espoir d’avoir un oncle ou une tante assez aimable pour la prendre sous son toit, mais pour une raison qu’elle ignorait, aucun ne voulait d’elle. Pourquoi ? Helena et Ewen était des gens fort sympathique qui organisait de somptueuse réception, et les invités répétaient souvent qu’ils formaient un couple adorable et blablabla… Il y avait une chose qui lui échappait, elle le sentait. Mais pour l’instant, elle était trop absorbée par sa marche sous la pluie. Elle n’avait plus envie de réfléchir pour le moment. Elle avait assez de nuits blanches pour ça. Alors elle continuait à marcher sous la fine pluie qui rendait la terre meuble, la capuche sur la tête pour ne pas trop avoir l’air piteuse. Ses pas étaient rythmés au son des gouttes qui s’écrasaient sur le sol et des rafales qui soufflaient dans les arbres. La jeune fille s’éloignait de la ville et de toute cette agitation. Elle recherchait le calme de la forêt. Cela lui manquait de voir tous ces animaux s’agiter pour subvenir à leurs besoin, de fouler le sol jonché de feuilles et d’épines, de sentir ces odeurs d’humus… Mais Libby ne se faisait pas d’illusion, elle savait que c’était son ami qui lui manquait. Elle n’avait pas fini son apprentissage des plantes médicinales et il y à bien des choses qu’elle ignore encore. Elle avait aimé parcourir les bois avec lui, alternant parties de cache-cache et de milliers d’autres jeux avec les périodes de calme où il aimait lui enseigner tout ce qu’il savait sur la nature. Son père était garde-chasse. Cela l’aidait beaucoup. Libby releva la tête pour regarder le ciel gris, les larmes aux yeux. La jeune fille regrettait son choix, si elle ne s’était pas enfuie si loin, peut-être sa vie serait-elle plus belle… Elle se sentait pitoyable, horriblement affaiblie. Son orgueil si fleurissant semblait presque avoir disparut. Cela faisait deux ans que Libby marchait dans l’ombre. Elle n’osait même pas regarder les gens de son espèce, résigné à faire des travaux dégoutant. Certains avait réussi à acheter un bar et saoulait les gens du coin pour un bon prix, d’autres faisaient de basses besognes, s’engageaient dans des grosses fermes en manque de personnels pour se crever dans les champs. Certains faisaient la manche, mais ceux là, elle les considérait plus bas que tout. Incapable de se bouger le derrière pour avoir une vie meilleure, minable… Encore d’autres étaient comme elle. Ils volaient pour leur compte et parfois pour celui des autres, mentaient pour sauver leur peau et avaient adoptés la marche silencieuse et la veste à capuche pour ne pas se faire repérer. Libby s’était plusieurs fois fait prendre sur le fait, à voler une bourse qui faisait un peu trop de bruit. Pour l’instant elle s’était quand même montré assez discrète, mais d’autres moins doué avait leur tête collée sur des affichettes, éparpillées dans toute la ville. Elle espérait pour eux qu’ils avaient assez de jugeote pour avoir un plan de secours. Beaucoup s’enfuyaient pour ne pas finir au cachot ou bien pendu.
Elle haussa les épaules et accéléra la marche, peut-être deviendrait elle assez douée pour réussir de gros cambriolages et entrer dans le monde des voleurs plus sérieux. S’en serait finit des petits pickpoquettes et des abrutits, elle pourrait entrer dans la cours des grands. Libby hésitait, elle se demandait si sa destinée était de devenir une voleuse alors que ses débuts pour les affaires étaient si prometteurs. Enfin soit, elle était beaucoup trop jeune pour envisager ce genre de chose. La pluie cessa, et Libby ralentit la marche. Elle était arrivée dans une étendue plus dégagée où les arbres étaient moins nombreux. Ses yeux sombres parcoururent les lieux pour s’arrêter sur une grande étendue d’eau. Elle s’avança jusque là, observa son reflet pendant quelques minutes puis se retourna pour s’asseoir sous un arbre au feuillage assez épais pour empêcher la pluie de mouiller l’herbe près de son tronc. Elle s’adossa à l’arbre, sortit une pièce de sa bourse et s’amusa à la faire slalomer entre ses doigts, sans la toucher, seulement grâce à sa force mentale~

Libby s’amusait, puisqu’elle ne savait pas trop quoi faire de son après midi. La pièce d’or fit le tour de son index, puis deux fois celui de son auriculaire en passant par son majeur et son annulaire. Elle se concentra, elle pouvait peut-être apprendre à soulever plus lourd ou bien plus vite. La pièce commença à accélérer, laissant une trainée dorée tellement la vitesse était grande. Libby était absorbée par les mouvements de l’écu afin qu’ils soient toujours plus rapide et précis. Une lueur étrange brillait dans son regard, comme toujours lorsqu’elle utilisait son pouvoir. Mais soudain, elle se stoppa, la pièce lévitant au dessus de sa paume. Un bruit la perturbait. Au loin, on aurait dit un animal qui courait, rien de dérangeant à cela, beaucoup de bestiaux venaient s’abreuver ici. La seule chose anormale, c’était le bruit que ça faisait. Au lieu du bruissement imperceptible habituel, à quoi Libby n’aurait certainement pas fait attention, le galop de cette bestiole était lourd, plus que celui d'un cerf, mais pourtant on pouvait entendre que c’était rapide. L’animal devait donc être imposant. Qu’est ce qui était donc plus lourd qu’un cerf adulte ? Parce qu’a en juger par le bruit que ça faisait c’était improbable qu’un cervidé, aussi énorme soit-il, ne puisse jamais faire un bouquant pareil.
La jeune fille, curieuse, ne bougea pas d’un poil. Elle se sentait en sécurité, appuyée contre le large tronc, cachée entre les racines du chêne auquel elle était adossée. Elle attendit donc, pas bien longtemps en fait. Après quelques minutes seulement, l’étrange animal pénétra dans la zone dégagée qui entourait le lac. Libby se crispa, tétanisée par la peur. Au dessous de sa capuche, à travers la fine pluie, elle observait un genre de lézard version immense s’abreuvant dans les eaux fraîches du lac et passant son aile dans l’eau. Elle sentait son cœur s’accélérer dans sa poitrine. Qu’est ce que c’était que ça ?! La bête n’avait que des os, il y avait uniquement ses ailes gigantesques auxquelles étaient accroché quelques morceaux de peaux. Au creux de sa large poitrine, brillait une boule de lumière, une sorte de soleil, qui éclairait son squelette d’un rouge intense. Libby n’espérait qu’une seule chose, que cette chose ne l’ai pas vue. Elle enfonça un peu plus sa capuche sur son crâne, espérant que le brun du cuir la fasse passer inaperçu. Elle remit sa pièce dans la bourse et effleura sa dague du bout des doigts. Cette arme ne serait pas suffisante, elle ne pourrait même pas l’impressionner avec ça. En fixant ses griffes et ses crocs menaçant, Libby fit tilt. Un dragon ! Elle n’avait jamais cru en ce genre de légende stupide et puérile. C’était bon pour endormir les enfants, sa nounou lui avait quelque fois parlé de ces créatures effrayantes et menaçantes. Généralement, les pauvres gens qu’ils croisaient sur leur chemin n’avaient pas de grande chance de survie. Sauf si l’on était une princesse ou un courageux chevalier. Ce qui n’était pas son cas. Elle réfléchissait à ce qu’elle allait faire dés qu’il la verrait quand il tourna la tête dans sa direction. Sa gorge se serra, il fallait qu’elle réagisse vite. Alors que l’immense créature s’approchait, Libby prit une décision. Elle allait tenter de s’enfuir. Elle scruta le paysage et découvrit une grosse pierre pas trop loin du chêne. Alors que l’immonde animal était tout proche, elle prit son courage à deux mains et souleva le rocher qu’elle fit valser dans les airs… Elle se leva, elle pouvait sentir ses prunelles rouges vives sur elle, ce qui précipita encore plus ses mouvements paniqués. Dans un geste brusque, elle envoya le rocher en plein dans sa grosse tête. Tout se passa très vite ensuite. Sautant au dessus d’une racine, elle courut le plus vite qu’elle pouvait dans la direction opposée au dragon, qui elle espérait était encore déboussolé par le coup qu’elle venait de lui asséner. Ses jambes foulaient les sous bois à toute vitesse, Libby pouvait sentir son cœur batte contre ses tempes. Le paysage défilait à toute vitesse devant ses yeux, elle ne savait pas trop quoi faire maintenant à part courir pour sauver sa peau. Ce genre d’animal n’avait probablement pas l’habitude qu’on leur balance une pierre dans la tronche pour tenter de gagner du temps dans une fuite. Mais quelles étaient les habitudes de ces bestioles ? D’happer les gens sans qu’ils aient pu esquisser le moindre geste ? Alors qu’elle avait parcourut une bonne distance, à bout de souffle et de force, Libby grimpa dans un arbre. Le plus haut qu’elle ai pu trouver. Elle avait aussi veillé à ce que d’autres arbres se trouver assez proche pour pouvoir en changer si besoin. La légende ne disait-elle pas qu’ils avaient la fâcheuse tendance à cramer vives leurs victimes ? Elle s’écorcha les mains en se hissant le plus hauts possibles. Libby était sur les plus fine branches à présent. Elle reprit son souffle, n’osant pas regarder en bas. Qu’allait-elle trouver ?